A la suite de l’ouverture d’une succession, les héritiers doivent faire des choix quant au patrimoine transmis par la personne décédée : liquider et partager les biens ou les conserver en indivision. Dans cette seconde hypothèse, les ayants-droit peuvent organiser les choses en concluant une convention d’indivision dans laquelle seront fixées les règles d’administration et de gestion des biens indivis. Mais ils peuvent décider…de ne rien faire ! Et là commencent les problèmes. En effet au fil du temps aucun d’eux ne va se sentir investi d’entretenir, réparer voire améliorer les biens indivis. D’aucuns estimeront nécessaires de les vendre. D’autres s’arc-bouteront sur le maintien des biens en indivision. Que faire alors sachant que, par principe, la vente des biens indivis requiert l’unanimité ?
Dans l’hypothèse d’absence d’unanimité pour vendre, le code civil a conçu une procédure particulière décrite en son article 815-5-1.
Observons en détail les conditions d’application du texte (A), la procédure à suivre (B) et les modalités de la vente (C).
A/ – Les conditions d’application
1ent/ Les indivisaires doivent représenter au moins les 2/3 des droits indivis pour formuler la demande.
Petite précision : 2/3 ne signifie pas 2 sur trois
Exemple 3 indivisaires Pierre Paul Jacques.
Pierre et Paul détiennent respectivement 20 % et 30% et Jacques a lui seul détient 50 % des biens indivis.
Pierre et Paul veulent vendre. Jacques n’est pas d’accord. Ils sont 2 à vouloir vendre. A priori ils sont majoritaires.
Que nenni ! Ils ne représentent que 50 % des biens indivis. Or le texte impose les 2/3 soit 67 % (par arrondi)
En revanche si Jacques est d’accord avec l’un de Pierre ou Paul, ensemble ils réuniront 70 voir 80 % des droits indivis.
2ent/ les biens indivis doivent être détenus en pleine propriété par l’indivision
Donc si parmi les héritiers il existe un usufruitier (conjoint survivant par exemple) la demande est impossible.
3ent/ Aucun indivisaire ne doit
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être présumé absent
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se trouver hors d’état de manifester sa volonté par suite d’éloignement
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ou faire l’objet d’une régime de protection (exemple tutelle)
B/ La procédure à suivre
L’indivisaire exprime son intention de vendre devant notaire qui établit un acte authentique |
Dans le mois le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires |
Les indivisaires signifiés ont 3 mois pour se prononcer |
Les indivisaires consentent à la vente |
Les indivisaires minoritaires s’opposent à la vente ou ne répondent pas dans le délai de 3 mois |
La procédure judiciaire peut être poursuivie sauf à revenir vers une vente amiable |
Le notaire établit un procès-verbal pour consigner l’opposition ou le silence |
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Saisine du tribunal
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Autorisation de la vente si elle ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires (*)
- C / Modalités de la vente
La vente s’effectue par licitation c’est-à-dire par vente aux enchères publiques. L’aliénation sera opposable aux indivisaires dont le consentement a fait défaut.
Le prix est affecté à payer les dettes et charges de l’indivision.
Le solde disponible après paiement des dettes n’est pas réparti entre les héritiers sauf accord entre eux.
Le solde disponible est consigné jusqu’au partage de la succession.
(*) reste à savoir en quoi consiste une telle atteinte ; la loi ne la définissant pas, il appartiendra aux tribunaux de la définir !
QUE FAUT-IL EN CONCLURE ?
Nous savons tous que si « LA VIE EST UN LONG FLEUVE TRANQUILLE » il n’en est pas de même de la succession !
Qu’elle soit génératrice de conflits du vivant d’une personne, la mésentente installée au sein d’une même famille se prolonge trop souvent après la mort et paralyse ainsi la bonne gestion du patrimoine.
L’intention du législateur est louable en instituant une telle procédure. Pour autant à bien y regarder l’unanimité a encore de beaux jours devant elle tellement la procédure mise en place pour parvenir à ses fins, est complexe par son formalisme et douteuse quant à son résultat.
Il reste alors une alternative : le recours à l’article 815-5 du code civil.
Un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d’un coindivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun.
Encore faut-il s’entendre sur la notion de péril car la simple « opportunité » de vendre ne serait pas suffisante.
Décidément le droit positif n’a de cesse que de vouloir protéger… « les minorités opposantes » !
Ultime précision : l’article 815-5-1 – objet de ce propos – est issu de la loi du 12 mai 2009 dite (cela ne s’invente pas) « de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures »
Question de point de vue sans doute.